Avec cette période de confinement et de télétravail, la ville dense n’a plus la cote. Les gens rêvent de jardin, d’espaces, de se mettre au vert…


Le Tour du monde des idées | Vivre dans les mégapoles, trop densément peuplées et aux loyers prohibitifs, n’attire plus ni les seniors, ni les Millenials. Le télétravail va-t-il enfin permettre à ceux qui rêvaient de se mettre au vert de réaliser leur souhait ? Cela pourrait être l’une des conséquences de cette crise sanitaire.

Cette crise sanitaire va très probablement entraîner des modifications dans nos modes de vie. Lesquels ? En s’aidant de certains scénarii de science-fiction, comme d’études sérieuses, le géographe américain Joel Kotkin en a imaginé quelques-unes dans un article récemment paru.

Deux humanités confinées : un scénario de science-fiction ?

Lorsque nous serons autorisés à sortir du confinement et à renouer avec nos activités habituelles, le COVID-19 n’aura pas disparu pour autant : il n’existe, à cette heure aucun médicament fiable et la mise au point d’un vaccin pourrait prendre un an et même davantage. En outre, nous savons à présent qu’un virus de ce type, ou plus dangereux encore, peut fort bien resurgir prochainement sur quelque marché chinois. Le SRAS-CoV ne datait que de 2003.

On peut donc s’attendre à ce que les habitudes de « distanciation sociale », prises à l’occasion de la dernière économie, persistent. La crainte des épidémies, qui avait disparu de nos préoccupations depuis un siècle, est maintenant inscrite dans l’inconscient de tous les êtres humains.

Le pire scénario serait celui imaginé par Asimov dans certains de ses romans : une humanité confinée.

En extrapolant certaines tendances actuelles – car la crise ne provoquera pas de rupture, mais l’accélération de tendances préexistantes – on pourrait imaginer une humanité scindée en deux : une super-élite, regroupée dans des clusters fermés, vivant entre elle, autour des grandes universités et des prestigieux laboratoires de recherche, d’un côté; de l’autre, une immense majorité, recluse dans ses appartements des grandes villes et des banlieues, reliée au reste du monde par les outils numériques ; et qui serait condamnée à vivre une vie virtuelle, à base de réseaux sociaux et de jeux vidéo…

La contre-urbanisation, ou l’exode rural à l’envers

Mais le scénario qui paraît le plus probable à Kotkin, c’est l’amplification d’une tendance qu’il avait identifiée avant la crise, mais que celle-ci va encourager : la « contre-urbanisation ». Une espèce d’exode rural à l’envers. La fuite hors des mégapoles, devenues non seulement hors de prix et invivables, mais dangereuses pour la santé.

C’est, en effet, dans l’une de ces immenses cités post-modernes que l’épidémie s’est déclenchée : Wuhan, la septième ville la plus peuplée de Chine, compte plus de 11 millions d’habitants. C’est à Milan et sa région, à Madrid, à New York, à Seattle, à San Francisco, que le virus a ensuite frappé le plus violemment. Significativement, à son arrivée, on a vu les Parisiens, puis les New Yorkais fuir la ville par centaines de milliers, pour aller se réfugier dans leurs villégiatures de campagne – jusqu’à leur arrivée, largement épargnées…

Et c’est un comportement parfaitement rationnel : avec leur extrême densité, ces deux grandes cités sont des terrains particulièrement vulnérables au déclenchement des épidémies. Les transports en commun, les lieux de convivialité, les rues elles-mêmes ne permettent pas de conserver ses distances.

En réalité, la qualité de vie dans ces mégapoles surpeuplées s’est tellement dégradée ces dernières décennies, que l’accès aux meilleurs emplois qu’elle procure ne suffit plus à compenser le prix des loyers, devenu absolument rédhibitoires dans des villes comme Londres, San Francisco, Paris…

Métropoles : une ségrégation spatiale exponentielle ?

Dans l’histoire, relève Kotkin, les grandes épidémies de peste ont décimé les grandes villes commerçantes, ouvertes sur le monde – Athènes, Alexandrie, Constantinople, Rome, Le Caire… A Wuhan, avant même le déclenchement de l’épidémie, l’espérance de vie était inférieure à celle des campagnes environnantes. Les grandes villes sont malsaines, sales, polluées, engorgées. Elles étaient censées favoriser la circulation des personnes, des biens et des idées : elles sont bloquées, en réalité. Elles favorisent, en outre, des maux sociaux qui avaient tendance à s’aggraver : violences, criminalité, inégalités spatiales révoltantes.

Les auteurs de science-fiction chinois qui ont eu la chance de bénéficier d’une période de relative libéralisation – avant la nomination de Xi Jinping – ont largement illustré l’angoisse nourrie par l’immense mouvement de migration paysanne vers les mégapoles.

Ainsi, la romancière Hao Jinfang a décrit un Pékin du futur, scindé en trois zones, à la fois géographiques et temporelles, où l’hyper-classe, les classes moyennes et le sous-prolétariat misérable ne se croisent jamais. Cela correspond fort bien au partage social qui s’est opéré, dans les grandes villes chinoises, entre les titulaires d’un « hukou », sorte de passeport intérieur qui ouvre, avec le droit de résidence, l’accès à divers avantages sociaux, et immigrés illégaux, s’entassant dans des dortoirs insalubres et manquant d’hygiène.

Les autorités de Pékin ont récemment tenté de mettre fin au phénomène de l’exode rural, en interdisant franchement les migrations vers Pékin et Shanghaï.

On remarque que, parallèlement et pour d’autres raisons, le gouvernement indien tente de relancer les villes petites et moyennes. Modi est hanté par l’idée d’un pays qui risquerait d’être coupé en deux : la Shining India des ingénieurs de la high tech, vivant au rythme effréné de la mondialisation, isolée du reste d’un pays demeurant fondamentalement sous-développé.

La fin des clusters de la Silicon Valley ?

Mais aux USA même, note Kotkin, on observe depuis quelques temps une fuite accélérée de la génération des Millenials et des « classes créatives » hors des grandes villes qui les attiraient il y a encore dix ou vingt ans comme des mouches. L’idée, longtemps soutenue par l’Université et les think tanks, selon laquelle l’avenir appartiendrait aux « clusters », mettant en relation les petits génies créatifs et les investisseurs prêts à financer leurs trouvailles, massés dans les grandes villes, le long des deux côtes, atlantique et pacifique, est battue en brèche.

Même la Silicon Valley est en voie de « dispersion ». Lyft délocalise une bonne part de ses activités à Nashville, Uber à Dallas, Apple à Austin. Un mouvement de même nature est en train de se produire en toute discrétion en Europe. Beaucoup d’entreprises du numérique et de la high tech sont en train d’emménager dans les capitales d’Europe centrale. D’après une étude récente de Nima Sanandaji et Stefan Fölster, Bratislava est aujourd’hui la ville européenne qui compte le plus fort pourcentage de brain sector. Elle est suivie par Prague, Bucarest, Budapest et Tallin. Outre la recherche d’une meilleure qualité de vie et des loyers plus accessibles, ce qui pousse ces jeunes pousses à fuir l’Europe de l’Ouest, ce sont les régulations tatillonnes et le niveau de prélèvements…

Le télétravail, nouvel accélérateur de l’étalement urbain ?

Mais c’est le basculement d’une très grande partie des gens vers le télétravail, occasionné par le crise du coronavirus, qui va amplifier le mouvement de retour vers les villes petites et moyennes, prévoit Kotkin.

Une grande partie des Australiens ont déjà adopté la téléconférence, pour compenser l’immensité de leur pays qui rend les réunions coûteuses et polluantes. Au Japon, la plupart des firmes offrent déjà à leurs employés la possibilité de travailler depuis leur domicile, lorsqu’ils ont la responsabilité de leurs parents âgés. Le télétravail est plébiscité tant par les seniors que par les Millenials.

Je ne vois pas l’intérêt de faire une heure de voiture pour passer d’un écran d’ordinateur, chez moi, à un autre écran d’ordinateur, au bureau  a expliqué à Kotkin l’un de ses anciens élèves.

Cette fuite hors des villes contribuera au rééquilibrage géographique de nos pays, souffrant actuellement d’une désertification des campagnes. Certains états américains ont bien saisi l’opportunité : l’Oklahoma, le Vermont, le Maine et l’Iowa offrent des soutiens aux créateurs de PME qui viennent s’installer chez eux.

On risque fort, écrit Kotkin, d’assister à la victoire de Frank Lloyd Wright sur Le Corbusier : la « ville dense » n’a plus la cote. Les gens vont préférer de plus en plus l’étalement urbain, les jardins, l’entrelacement des zones cultivées et des zones habitées. La possibilité de garder ses distances et de préserver son intimité. Et la voiture individuelle va retrouver son lustre…


Article de Brice Couturier à lire sur France Culture

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